vendredi 31 mars 2017

DOCTEUR NORBERT-BERTRAND BARBE

Vivant entre deux mondes, le Nicaragua, où il réside, et la France, il est Membre de l'Académie Nicaraguayenne de la Langue depuis 2015 (http://www.anilengua.com/index.php/noticias-de-la-academia-nicaraguense-de-la-lengua/7220-nuevo-miembro-honorario).



En 2009, le Centre Nicaraguayen d'Écrivains CNE lui décerna un Prix en hommage à l'ensemble de son oeuvre.
Il compte à son actif 17 expositions individuelles.
Ses poèmes ont été publiés dans les revues : Poètes du Nord-Pas de Calais, Flammes Vives, Boxon, La Revue des Resssources, Écrits-Vains, Le chemin d'Arthur/Le moulin des loups (France), Regarts, Traversées (Belgique), Katharsis, La Botella Vacía, Ábaco (Espagne), Hispanic Culture Review (États-Unis), Club de Brian, Café Literario, Al margen.com (Mexique), Zona de Tolerancia (Colombie), Letras Salvajes (Puerto Rico), Arte Poética (Le Salvador), Pluma Libre (Costa Rica), et au Nicaragua: ArteFacto, Estrago, Ojo de Papel, La Tribuna, El Nuevo Diario, La Prensa Literaria, Voces Nocturnas, Papalotl (de laquelle il fut co-fondateur), Gojón (cette dernière qu’il dirige depuis 2005).
En 1995 il reçut le Prix Arts et Lettres de France pour son roman : Pauvre Mister Snow, et pour son essai sur: Le Prisonnier de Patrick MacGoohan: Du Moi à l’Être - Essai d’interprétation objective.



Il a participé comme poète invité aux Festivals Internationaux de Poésie de San Salvador (2006), La Havanne (2007) et Granada (2005, 2006, 2007).


**********
IN PARTIBUS, 2023

"Comment pourrait-on supporter l'insulte du Créateur, la honte de la foi, sans même parler des dommages temporels! Le fondement premier de tous leurs crimes étant le reniement de la foi!"

(Henry Institoris et Jacques Sprenger,
Malleus Maleficarum)

Troisième planète du système solaire Eurégon, quatre heures du matin. Je me réveillais la tête dans le cul sur la couchette en pierre de ma cellule. Le bruit d'une bouilloire sifflait dans le silence, du côté de la salle de contrôle. Cette foutue taule était gardée jour et nuit par les Bleus. C'étaient des troupes spéciales de l'armée régulière qu'on appelait comme ça à cause de la couleur de leur casque. Le G.I.U.S., Gouvernement Interplanétaire d'Union Ségrégationniste, s'était arrangé pour monter les populations du troisième système solaire les unes contre les autres. Il était en effet encore trop affaibli par ses propres guerres pour supporter la concurrence de l'ancien régime euréguien sur son marché. Alors il s'était arrangé pour y faire entrer des mercenaires déguisés en marchands - une sorte de Cheval de Troie en somme - qui avaient soudoyé les Yakmen, nomades du désert de la sixième planète, afin que ceux-ci entretiennent les vieux conflits de l'ère pré-ptozoïque auxquels plus personne ne pensait, mais distribuez gratuitement des armes pendant cinq ans et vous obtiendrez facilement une guerre civile dans plus de la moitié de la galaxie. D'ici, on entendait tout. On était dans le quartier de haute-sécurité, et des hommes du R.P.I.G., Répression Provocation et Incitation à la Guerre, nous surveillaient jour et nuit. Il n'y avait aucun prisonnier de droit commun, mais l'O.D.C.D.I., Organisation du Détersif Contre la Dépravation Intellectuelle, s'était arrangé pour enfermer ici toutes les personnes soupçonnées d'avoir un comportement déviant. Dehors, les affiches et les pubs télépathiques desservaient dans l'ensemble de la capitale d'anciens messages de la Terre, troisième planète d'un des systèmes solaires de la Voie Lactée. On voyait des familles bizarres, avec des enfants aux cheveux blonds et des parents privés de la langue à l'aisne, des cornes et des tentacules nasaux qui caractérisaient notre race. On aurait dit des simulacres de Vénus de Milo contemporaines. Les doctrines du G.I.U.S. se caractérisaient par un traditionalisme qui confinait à l'archaïsme. Un exemple, plus personne ne savait ce que pouvait signifier le sigle C.O.M.M.U.N.I.S.M.E., et pourtant les agents de l'I.O.R., Information Organisée par la Régression, mettaient encore la population en garde contre ce mouvement, au travers des messages subliminaux que des implants dans le bulbe rachitique envoyaient au cerveau à intervalles réguliers de deux heures quarante trois minutes cinquante secondes et trois microns. C'était un groupe de chercheurs de l'A.I.D.S.PEOPLE, Association d'Intoxication Démocratique pour la Suprématie sur le PEUPLE, l'association caritative de la femme du président de leur pseudo république, qui avait découvert que cet espace de temps était le plus approprié à l'assimilation inconsciente des "messages nécessaires à la constitution d'une société à but unique", comme l'avait écrit le célèbre professeur Sheridan dans son fameux ouvrage Maîtrisez le monde par la méthode douce.



PREMIERE PAGE D’UN CARNET DE PRISON

Printemps 5059. Le 12 février pour être tout à fait exact. Le dôme au-dessus de Very New York ne parvenait pas à arrêter les chauds rayons du soleil, et les ventilateurs géants ne faisaient, comme d'habitude, que brasser l'air chaud qui venait du désert.
Je finissais de me curer le nez, en regardant mon visage mal rasé et hirsute à travers les glaces du plus grand magasin de jouets et de hi-fi de la ville. Toy-Land était à la fois un parc animalier, où se côtoyaient les espèces les plus diverses de la faune aujourd'hui disparue, et, dans ses étages supérieurs, une véritable ville de l'électronique à l'intérieur de la méga-cité. Le parc était un lieu de rencontre pour les homosexuels en même temps que le théâtre de multiples jeux de rôles, dont les plus sanglants étaient retransmis en différé après l'heure du black-out à l'ordi-vision. Le samedi soir, il y avait même un jeu de rôle interactif, dans lequel les ordi-spectateurs pouvaient pourchasser des condamnés à mort volontaires. Evidemment, les ordi-spectateurs avaient sur les condamnés le très net avantage de voir n'importe quel point du terrain de jeu en quadri-dimension, selon l'angle désiré.
Je regardais un cyberordi jouer contre lui-même une partie de lances-rockets. Apparemment nous l'emportions haut la main sur les étrangers. Un crâne dont la mâchoire inférieure se déchaussait au rythme du Requiem de B. Springsteen venait de s'incruster sur leur quartier général, et le sang coulait sous la porte.
Un vigile, qui devait se dire que je faisais mauvais effet devant la vitrine géante, s'approcha de moi, mais je détalais avant qu'il ne m'alpaguât. Je venais d'être mis à la porte de Cyber Info Corp. il y avait juste deux semaines, et comme j'avais dû payer la taxe sur les fenêtres ouvertes, puis celle sur l'ambianceur d'air, puis celle sur le parking souterrain - je n'avais pas mon permis, mais comme chaque membre de la communauté était censé avoir droit à un véhicule (soi-disant pour relancer l'économie du pays), j'étais dû payer l'impôt sur le parking qui m'avait été allouer d'office -, sans compter la visite annuelle obligatoire chez le médecin, je préférais ne pas trop me faire remarquer. J'étais sur la pente descendante et je le voyais bien. Si ça continuait comme ça, je ne me donnais même pas encore deux autres semaines avant de me retrouver à la rue.
L'hiver avait été doux, comme toujours, et les longues soirées en amoureux avec ma fiancée passées entre le restaurant, le cinéma et la discothèque ne m'avaient pas permis d'économiser pour le mariage, comme je l'aurais voulu. D'ailleurs, je sentais bien depuis quelques temps que Jenny m'en voulais. Elle croyait que c'était ma faute si j'avais été fichu à la porte. Elle n'avait pas l'air de se rendre compte qu'avec la nouvelle politique du gouvernement...
Un nécessiteux venait de me bousculer. Je le repoussais et continuais mon chemin, en vérifiant dans ma poche qu'il ne m'ait rien volé. Je faillis buter contre un autre, allongé de tout son long en travers du trottoir. C'est là que je m'aperçus que je m'étais trompé, et au lieu de tourner à droite à l'angle de la 55ème et de Grant Street, je me retrouvais maintenant en plein milieu de Sherry Bario, l'ancien quartier mexicain, devenu maintenant le repaire de tous les pouilleux de la ville.
Pour la première fois de ma vie peut-être, je pris garde qu'au contraire de ce que je croyais, la plupart des sans logis qui traînaient ici, jusque sous les fenêtres de l'ancien commissariat désaffecté depuis l'incendie du fameux Vendredi Noir qui ravagea les quartiers pauvres le 26 décembre 3033, étaient des WASP. La plupart d'entre eux devaient d'ailleurs avoir la centaine, comme moi.
La panique qui m'avait gagné en m'apercevant que j'étais dans le barrio maudit comme on l'appelait dans les beaux quartiers, laissa soudain la place à une profonde lassitude. Peut-être était-ce de m'apercevoir que personne dans cette indescriptible multitude ne semblait prêter attention à moi et que pour eux, je faisais déjà, en quelque sorte, partie de leur décor. Je n'avais jamais pensé qu'un jour j'en arriverai là. La sueur poissait ma chemise au col sale et, en baissant les yeux, je m'aperçus que mon pantalon et mes chaussures ne valaient guère mieux.

B O N U S

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire